Des fuites de gaz émanant des gazoducs Nord Stream 1 et 2 ont été décelées en début de semaine. Devant les bouillonnements constatés en pleine mer Baltique, il n’est pas inopportun de s’interroger quant à la quantité de combustible fossile rejetée dans l’atmosphère ainsi que les éventuelles répercussions climatiques que pourraient éventuellement avoir ces fuites de gaz à effet de serre.
Le méthane, gaz à effet de serre
Aussi, je me suis adressée à Francois-Marie Bréon, chercheur, physicien-climatologue, au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE). Par ailleurs, président de l’Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS), que je remercie d’avoir eu la gentillesse de répondre à mes questions.
Que représente la quantité de gaz échappée des gazoducs en mer Baltique par rapport aux émissions actuelles, sur un plan régional et mondial ?
Même si aucune valeur officielle n’a été communiquée, on peut estimer que, sur la base du volume du gazoduc, une masse de 300 000 tonnes de méthane sera libérée dans l’atmosphère du fait de ces fuites. En comparaison, les émissions totales de méthane en lien avec l’exploitation des combustibles fossile sont estimées à plus de 100 millions de tonnes, tandis que celles de l’agriculture sont de plus de 200 millions de tonnes. C’est donc une émission significative, mais qui reste faible devant les émissions totales anthropiques.
On peut bien sur comparer ces émissions à celles de la ville de Paris ou d’un petit pays comme le Danemark, mais ça a peu de sens climatique.
Comment un dégagement aussi massif de méthane évolue-t’il ?
Le panache de méthane est transporté par les vents et se disperse progressivement. Il a été détecté par plusieurs stations du réseau de mesure Européen ICOS (qui suit l’évolution des concentrations de gaz à effet de serre). Il va faire le tour de la terre en quelques semaines et sera complètement mélangé dans l’hémisphère Nord en quelques mois. Le mélange avec l’hémisphère sud demande quelques années.
Sachant que l’événement s’est produit le 26 septembre, il y a 4 jours, quand faudra-t’il s’attendre à pouvoir en évaluer les répercussions, de quel ordre ?
Il y a déjà eu des fuites de méthane importantes dans le passé. Il n’est pas particulièrement toxique et le gaz se disperse rapidement. L’impact principal est donc climatique et reste limité au regard de l’ensemble des sources de méthane dans le monde. Même si la fuite en Baltique a une ampleur encore plus grande, on n’attend pas de différence de principe.
Le conflit en Ukraine est-il un événement aggravant significatif quant aux augmentations des émissions de gaz à effet de serre induites par le conflit ?
Non ; même si la guerre en Ukraine est spectaculaire et dramatique pour les personnes impliquées, l’impact sur les émissions de gaz à effet de serre est limité. Les conséquences du conflit en Europe (pénurie et prix) vont probablement limiter la consommation de combustibles fossiles, et donc réduire un peu les émissions de gaz à effet de serre de l’Europe. Sur le côté négatif, la limitation de l’approvisionnement en gaz conduit à une consommation plus importante de charbon, ce qui est pire pour le climat.
Quels sont les secteurs d’activités qui émettent d’importantes quantités de gaz à effet de serre dans l’atmosphère ? Quelle part représentent t’elles ?
Le premier poste est la combustion des combustibles fossiles (Charbon, pétrole, gaz) pour faire face à nos besoins d’énergie. Les secteurs qui utilisent beaucoup d’énergie sont l’énergie (génération d’électricité) , l’industrie, le bâtiment, et le transport. Par ailleurs, l’agriculture conduit à des émissions importantes de gaz à effet de serre, en particulier le méthane CH4 et le protoxyde d’Azote N2O.
Quel est l’impact du méthane par rapport aux émissions de CO2 en tant que gaz à effet de serre ?
Les émissions de méthane sont de l’ordre de 350 Millions de tonnes par an. Les émissions de CO2 sont de l’ordre de 40 Milliards de tonnes par an donc environ 100 fois plus. Mais, le méthane est un gaz beaucoup plus efficace que le CO2 pour augmenter l’effet de serre. A l’inverse, il reste moins longtemps dans l’atmosphère. Si on se focalise sur les 20 prochaines années, on considère que le méthane est plus efficace que le CO2 d’un facteur 81. Si on regarde sur 100 ans, puisque le méthane disparaît rapidement, le rapport n’est que de 28. Donc, dans le premier cas, les émissions de méthane sont équivalentes à 28 (81*0.35) Milliards de tonnes de CO2, donc proche de celles du CO2. A l’inverse, pour une durée de 100 ans, on arrive à 9,8 (28*0.35) Milliards de tonnes d’équivalent CO2.